lundi 22 août 2016

La tour de Babel: mieux vaut en rire (suite N°1)



La tour de Babel: mieux vaut en rire (suite N°1)


La tour de Babel selon Brueghel l'Ancien

Préambule
Selon la Bible, peu après le Déluge, alors qu'ils parlent tous la même langue, les hommes entreprennent de bâtir une ville et une tour dont le sommet touche le ciel, pour se faire un nom. Alors Dieu irrité par tant d'orgueil brouille leur langue afin qu'ils ne se comprennent plus, et les disperse sur toute la surface de la terre. La construction cesse. La ville est alors nommée Babel (terme proche du mot hébreu traduit par «brouillés»). Sans vouloir contrarier cette décision divine, j'ai essayé de recoller les morceaux en flirtant (ou en «contant fleurette» si vous préférez) avec plusieurs langues. Ceci avec des succès divers et des échecs dont il vaut mieux rire. Après avoir commencé par le Portugais, je continue par l'Allemand.


L’allemand et moi (1)
Meine Birne ist kaput

C’était en Suisse, en 1967. Je m’étais cassé tibia et péroné au ski. On m’avait transporté dans la petite clinique voisine. La neige fraîche avait sévi, le petit établissement était débordé : il y avait des jambes et des pieds à réparer un peu partout. L’unique médecin faisait ses réductions à la chaîne et bâclait un peu. On me rafistola à la va-vite. On me prévint que j’allais avoir mal pendant la nuit et qu’il était inutile d’appeler, l’établissement ayant épuisé son stock de remèdes contre la douleur…

Vers quatre heures du matin, torturé par la souffrance et encore plus par un besoin impérieux d’exercer mes fonctions naturelles, je sonnai en vain puis, de guerre lasse, je frappai au mur pour réclamer un urinal. Point de réponse. Je frappai encore. Une patiente hospitalisée dans une chambre voisine vint charitablement entr’ouvrir ma porte et s’enquérir de mes besoins en allemand, seule langue qu’elle connaissait.

Demander à une dame inconnue, à quatre heures du matin, en se tortillant, de l’aide pour faire pipi, ceci en allemand, langue dont je maîtrisais une centaine de mots, croyez-moi, ce n’est pas un exercice facile ! J’avais un vague souvenir de Bein, Beine, la jambe, les jambes. Mais je confondis avec Birne, la poire, au sens propre mais aussi, si je ne m’abuse, la tête au sens figuré. Je me lançai, pressé par la nécessité :

« Meine Birne ist kaput ! » éructai-je

Réalisant que son bon geste avait été téméraire, la dame charitable eut un mouvement de recul, referma rapidement la porte et, persuadée d’avoir eu affaire à un fou, prit la fuite sans mot dire, me laissant à ma torture…


(Tête de Louis-Philippe 1er suite à un accident de ski)


L’allemand et moi (2)
Wollen Sie ein Glass Bier?

Je me suis livré tout au long de ma vie à un intense papillonnage linguistique. La méthode « Assimil » (publicité gratuite) a été le principal outil de mes efforts pour butiner quelques phrases, juste assez pour dérider mes interlocuteurs étrangers et les rendre bienveillants. Les apprentis polyglottes de ma génération ont tous bien connu « My tailor is rich », « Diese Maschine ist nicht neu », « Alberto va a Paris », « A rua è curta », « Jan draagt een zwaar pack » et « Roma non fu fatta in un giorno ».

C’est suffisant pour se débrouiller et gagner la sympathie des indigènes, mais pas pour éviter les quiproquos. J’en ai fait maintes fois l’expérience :

L’Assimil allemand m’avait enseigné: « Wollen Sie ein Glass Bier? Voulez-vous un verre de bière? », ce qui paraît très approprié pour voyager outre-Rhin. Me rendant en 1955 à Heidenheim (Würtenberg), j’interpelai un chef de gare à la casquette rouge impressionnante et lui demandai où était le train pour Heidenheim.

« Gleis vier, quai quatre » me répondit-il
J’entendis vaguement « Glass Bier ».
« Nein, nein, ich will nicht trinken. Bitte, der Zug nach Heidenheim Non, non, je ne veux pas boire. Le train pour Heidenheim, s’il vous plaît ». Et j’appuyai ma requête d’un bruit de locomotive : Tch…Tch…Tch…
« Ja, ja, Gleis vier ».

Son entêtement à me diriger vers le buffet me découragea. Je bondis dans le premier train en partance…et me retrouvai à Stuttgart.



(Wollen Sie ein Glass Bier?)

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