LE
RIRE et la COMMUNICATION INTERCULTURELLE
Quand
l’embonpoint fait rire
« Le
rire est le propre de l’homme » mais on ne rit pas des mêmes
choses d’une culture à l’autre, c’est évident. J’ai vécu
une expérience intéressante à ce propos. En 1955, un film
dramatique avait la cote à Paris : « Les Diaboliques »
tenaient le public en haleine, Hitchcock était battu en matière de
suspense. Les Français frissonnaient d’horreur dans les salles de
cinéma. J’y étais allé, j’avais eu des cauchemars…
La
même année, en décembre, je me trouvais à Rome en voyage de noces
pour mon premier mariage. Il y faisait un froid de
canard. Les salles de cinéma faisaient partie des rares endroits
bien chauffés. Nous en usions donc sans modération, ce qui nous
amena à revoir « Les Diaboliques » en italien. Les files
d’attente étaient interminables, le film faisait un
tabac à Rome comme à Paris. Mais voilà: à Rome,
c’était un grand succès… comique ! Le public se tordait de
rire et émettait des cris d’oiseaux, en proie à l’allégresse
la plus débridée. Nos « CHCHUUUT… » et autres appels
à plus de retenue n’y faisaient absolument rien : on avait
payé pour voir un film drôle, on voulait se marrer pour son
argent !
Au
milieu de toute cette agitation, ma jeune épouse m’alerta :
on se permettait de lui chatouiller le cou ! Courageux, mais pas
téméraire, j’essayai de minimiser l’incident : « C’est
probablement une erreur, le voisin de derrière aura agi par
inadvertance, attendons pour voir si cela se confirme… ».
Hélas, ma femme eut à subir de nouveaux assauts et elle confirma
son diagnostic : les attouchements étaient répétitifs et
manifestement faits de propos délibéré ! Il fallait que je
fasse quelque chose, le jeune marié que j’étais devait se montrer
à la hauteur !
Je
me levai donc brusquement en jouant l’assurance et le courroux et
me retournai vers l’agresseur, comme prêt à la bagarre. C’était
un plongeon vertigineux : qu’allais-je trouver en face de
moi ? Une armoire à glaces ? Une ceinture noire ? Une
brute sanguinaire ?
Que
nenni ! Le siège de derrière était occupé par un bersaglier,
un « chasseur alpin » italien, un brave paysan ventru. Il
avait posé sur son estomac son chapeau pointu de bersaglier.
La pointe du chapeau était prolongée, comme il se doit, par une
longue plume. « Les Diaboliques » faisaient rire notre
militaire de si bon cœur que tout son corps en était secoué. Les
soubresauts de la bedaine se transmettaient au chapeau puis à la
plume qui venait alors s’insérer sur la nuque de ma femme sans que
notre bidasse en eût la moindre conscience.
L’incident
était écarté. Je conseillai à ma femme de se plier en deux pour
rire comme une vraie italienne au lieu de rester droite comme un I
dans l’attente anxieuse d’un dénouement dramatique : ainsi,
elle serait hors de portée de la plume espiègle…
« Vérité
en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » disent les Français
(qui ont la réputation de ne pas être forts en géographie…).
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