mardi 26 juillet 2016

LE RIRE et la COMMUNICATION INTERCULTURELLE


LE RIRE et la COMMUNICATION INTERCULTURELLE



Quand l’embonpoint fait rire





« Le rire est le propre de l’homme » mais on ne rit pas des mêmes choses d’une culture à l’autre, c’est évident. J’ai vécu une expérience intéressante à ce propos. En 1955, un film dramatique avait la cote à Paris : « Les Diaboliques » tenaient le public en haleine, Hitchcock était battu en matière de suspense. Les Français frissonnaient d’horreur dans les salles de cinéma. J’y étais allé, j’avais eu des cauchemars…



La même année, en décembre, je me trouvais à Rome en voyage de noces pour mon premier mariage. Il y faisait un froid de canard. Les salles de cinéma faisaient partie des rares endroits bien chauffés. Nous en usions donc sans modération, ce qui nous amena à revoir « Les Diaboliques » en italien. Les files d’attente étaient interminables, le film faisait un tabac à Rome comme à Paris. Mais voilà: à Rome, c’était un grand succès… comique ! Le public se tordait de rire et émettait des cris d’oiseaux, en proie à l’allégresse la plus débridée. Nos « CHCHUUUT… » et autres appels à plus de retenue n’y faisaient absolument rien : on avait payé pour voir un film drôle, on voulait se marrer pour son argent !



Au milieu de toute cette agitation, ma jeune épouse m’alerta : on se permettait de lui chatouiller le cou ! Courageux, mais pas téméraire, j’essayai de minimiser l’incident : « C’est probablement une erreur, le voisin de derrière aura agi par inadvertance, attendons pour voir si cela se confirme… ». Hélas, ma femme eut à subir de nouveaux assauts et elle confirma son diagnostic : les attouchements étaient répétitifs et manifestement faits de propos délibéré ! Il fallait que je fasse quelque chose, le jeune marié que j’étais devait se montrer à la hauteur !



Je me levai donc brusquement en jouant l’assurance et le courroux et me retournai vers l’agresseur, comme prêt à la bagarre. C’était un plongeon vertigineux : qu’allais-je trouver en face de moi ? Une armoire à glaces ? Une ceinture noire ? Une brute sanguinaire ?



Que nenni ! Le siège de derrière était occupé par un bersaglier, un « chasseur alpin » italien, un brave paysan ventru. Il avait posé sur son estomac son chapeau pointu de bersaglier. La pointe du chapeau était prolongée, comme il se doit, par une longue plume. « Les Diaboliques » faisaient rire notre militaire de si bon cœur que tout son corps en était secoué. Les soubresauts de la bedaine se transmettaient au chapeau puis à la plume qui venait alors s’insérer sur la nuque de ma femme sans que notre bidasse en eût la moindre conscience.



L’incident était écarté. Je conseillai à ma femme de se plier en deux pour rire comme une vraie italienne au lieu de rester droite comme un I dans l’attente anxieuse d’un dénouement dramatique : ainsi, elle serait hors de portée de la plume espiègle…



« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » disent les Français (qui ont la réputation de ne pas être forts en géographie…).

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